La demande de sursis de paiement (article L 277 du Livre des procédures fiscales – LPF) permet au contribuable qui conteste le bien fondé de l’impôt que lui réclame l’administration fiscale, de suspendre l’exigibilité de la créance jusqu’à la décision définitive du tribunal ou de l’administration.
Qu’est-ce que la demande de sursis de paiement en matière fiscale ? Quel est l’objectif d’une telle demande ? Quels en sont les conditions et les effets ? Quelle est la conséquence d’une demande irrégulière ?
Dans cet article, nous ferons le tour de la notion de sursis de paiement et des effets qui y sont attachés.
Bonne lecture.
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Sommaire
Définition du sursis de paiement
En matière fiscale, la règlementation du sursis de paiement est prévue par l’article L. 277 du LPF : « Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s’il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes ».
La demande de sursis de paiement a pour effet de suspendre l’exigibilité de l’impôt.
Concrètement, lorsque le contribuable dépose une réclamation contentieuse pour contester une imposition mise à sa charge par l’administration fiscale, il doit en principe acquitter l’impôt et les éventuelles pénalités.
Toutefois, il peut effectuer une demande de sursis de paiement qui aura pour effet de suspendre l’exigibilité de l’impôt. Le comptable public ne peut plus lui réclamer les sommes jusqu’à l’issue de la procédure devant le tribunal.
L’objectif de la demande
L’objectif principal du sursis de paiement consiste à protéger le contribuable qui conteste l’imposition que lui réclame l’administration.
Ce mécanisme lui permet d’éviter de décaisser des sommes trop importantes tant que la procédure est en cours. En effet, l’administration ou la juridiction pourrait accepter la contestation du contribuable. Il en résulterait un dégrèvement de l’impôt.
Un bénéfice de droit
Le sursis de paiement est de droit. L’administration fiscale ne peut donc pas en refuser le bénéfice. Néanmoins, cela nécessite de remplir les conditions prévues par l’article L 277 du LPF pour que la demande soit acceptée.
Conditions du sursis de paiement
L’article L 277 du LPF conditionne le sursis de paiement au dépôt d’une réclamation contentieuse régulière assortie d’une demande expresse.
Réclamation contentieuse régulière
La demande de sursis de paiement implique une réclamation contentieuse régulière. Le contribuable doit contester le bien-fondé de l’imposition et tout ou partie des impositions mises à sa charge.
Par ailleurs, est inopérante la demande déposée :
- sans réclamation contentieuse (cas d’une simple lettre adressée à l’administration fiscale)
- sans preuve de dépôt d’une réclamation contentieuse
- avec une réclamation contentieuse irrégulière sur la forme ou le fond
En effet, la régularité de la réclamation contentieuse est essentielle pour bénéficier du sursis.
Une réclamation contentieuse régulière doit :
- être déposée dans le délai légal de contestation (articles R 196-1 et suivants du LPF)
- être chiffrée (préciser les montants et bases du dégrèvement demandé)
- répondre aux conditions des articles R 197-1 et suivants du LPF
Important : la demande de sursis de paiement est l’accessoire de la réclamation contentieuse. Une réclamation contentieuse irrecevable entraîne donc de fait l’irrecevabilité du sursis. Cela suppose ainsi le respect scrupuleux des conditions de recevabilité de la réclamation.
Caractère exprès de la demande de sursis de paiement
La demande de sursis de paiement doit être expresse. Il s’agit de la deuxième condition de validité de celle-ci.
Que faut-il entendre par « expresse » ?
La demande doit être formulée clairement dans la réclamation. La lettre de l’article L 277 du LPF est on ne peut plus claire : le contribuable doit avoir « expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit ».
Cela exclut donc toute demande implicite ou formulée à l’oral.
À titre d’exemples :
- une demande à surseoir au paiement formulée dans une lettre, sans pour autant préciser la décharge ou la réduction d’impôt souhaitée, ne saurait avoir un caractère exprès ;
- de même, le seul dépôt de la réclamation contentieuse sans formuler la demande suspensive de paiement, ne peut constituer une demande expresse.
A savoir : la demande de sursis de paiement peut être formulée ultérieurement au dépôt d’une réclamation contentieuse recevable, dès lors qu’elle entre dans le délai de réclamation.
Les garanties
La demande de sursis de paiement peut nécessiter certaines garanties. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une condition du sursis mais si ces garanties sont insuffisantes, le contribuable s’expose à l’application de mesures conservatoires de la part du comptable public.
Comment fonctionne la constitution de garanties ?
Il n’est pas nécessaire de constituer des garanties :
- si le montant des droits contestés est inférieur à 4 500 euros (BOI-REC-PREA-20-20-20)
- OU au delà de ce seuil, si le comptable public le permet (accord tacite ou sur demande). Notez que dans ce cas, il n’a aucune obligation de faire droit à la demande du contribuable.
Si le montant des droits contestés est supérieur au seuil de 4 500 euros, le comptable public formule une demande de garanties. Le contribuable doit répondre à cette demande et préciser ses garanties. Le cas échéant, il s’expose à des mesures conservatoires diligentées par le comptable public (exemples : hypothèque légale du trésor, saisie conservatoire sur biens meubles corporels).
A savoir : l’avis à tiers détenteur (ATD) ne peut en aucun cas constituer une mesure conservatoire. En effet, l’ATD n’est pas de nature conservatoire. Pour imager, les rémunérations ne peuvent être saisies.
Le comptable public peut refuser les garanties du contribuable s’il les considère insuffisantes. Cependant, il ne peut engager de mesures de recouvrement forcé tant que l’administration ou le tribunal compétent n’a pris aucune décision définitive sur la réclamation.
Le contribuable peut également contester le refus de ses garanties devant le juge des référés du tribunal administratif. De même, devant cette institution, il peut s’opposer aux mesures conservatoires qui entraîneraient des conséquences irréversibles ou fortement préjudiciables.
Effets du sursis de paiement
Le principal effet de la demande de sursis de paiement est la suspension de l’exigibilité de l’impôt (article L 277 alinéa 2 du LPF) : « L’exigibilité de la créance et la prescription de l’action en recouvrement sont suspendues jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l’administration, soit par le tribunal compétent. »
La suspension de l’exigibilité de l’impôt court à partir de la date de dépôt de la réclamation contentieuse régulière, assortie de la demande. Elle prend fin lors de la décision définitive de l’administration ou du tribunal compétent sur la réclamation. Évidemment, si la décision rendue est favorable à la position du contribuable, cela entraîne le dégrèvement des droits et des éventuelles pénalités.
Pour résumer, une demande de sursis de paiement régulière entraîne l’interdiction des poursuites de la part du comptable public.
À ce titre, les mesures de poursuites antérieures à la demande son caduques. De même, aucune mesures de poursuites postérieures à la demande ne peuvent être exercées (sauf en cas de rejet, par le comptable public ou le juge, des garanties que le contribuable propose).
Conséquences d’une demande irrégulière
Une demande de sursis de paiement irrégulière ou l’absence d’une telle demande entraîne l’exigibilité de l’impôt.
Le comptable public peut donc solliciter le paiement de l’impôt ou engager des poursuites. Il est nécessaire d’attacher une particulière attention à la régularité de la demande pour éviter l’exigibilité immédiate de l’impôt.
En cas de dépôt d’une réclamation contentieuse sans demande à surseoir au paiement de l’impôt, le contribuable a tout intérêt à en informer sans délai le comptable public. En principe, ce dernier s’abstient de mesures d’exécution lorsqu’une procédure est en cours.
FAQ – sursis de paiement
Qu’est-ce-que le sursis de paiement en matière fiscale ?
Le sursis de paiement permet au contribuable qui doit acquitter une imposition de demander que son règlement soit différé jusqu’à la fin de la procédure contentieuse. Bien que cette demande soit de droit, elle doit néanmoins répondre à des conditions de forme et de fond.
Comment obtenir un sursis de paiement ?
Pour obtenir un sursis de paiement (article L 277 du LPF), il faut formuler une demande expresse à l’administration fiscale au moyen d’une réclamation contentieuse. Le contribuable doit préciser le montant et les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit.